Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Les notes d’une féministe pour le 14 juillet 2018

Je me trouve toujours là dans ce pays, qui est mon pays. Dans ce pays, qui es devenu mon pays par choix et mon pays par adoption. Mon pays dont je suis si fière. Ce pays est la France.

Et pourtant dans ce pays la vérité profonde qui vient du cœur n’est pas la bienvenue. Dans ce pays, où je me suis habituée comme toute le monde à jouer un rôle dans les quotidiens sans soucier la vérité et les croyances profondes de chacun et de chacune. Dans ce pays ou parler de sa vie privée ou de sa vie intime est une véritable honte. Dans ce pays où il n’existe pas  ou quasiment pas de littérature féministe écrite par des femmes et pour les femmes. Je regarde à droite et à gauche sur mes étagères et je retrouve finalement « le deuxième sexe » de Simone de Beauvoir et « l’amant » de Marguerite Duras.  Est-ce que la littérature féministe en France s’arrêterait dans les années 1970-1980 ? Est-ce que dans la société actuelle, il n’y aurait aucun besoin d’une écriture que nous pourrions qualifier « féministe » ? En cherchant la réponse, je tombe régulièrement sur les récits des écrivaines femmes de mon pays natale, la Hongrie. Des récits bruts, sans tabou avec une honnêteté net et profonde. Cela me touche et cela me fait trembler jusqu’aux os. Une journaliste / écrivaine hongroise, Eva Szentesi, qui souffre pendant des années d’un cancer de col de l’utérus décrit dans son blog jour après jour les examens qu’elle doit subir et les épreuves qu’elle traverse dans sa bataille contre la maladie mortelle. Elle doit subir une hystérectomie et la partie supérieure de son vagin va être enlevée. Elle décrit une manière la plus naturelle au monde les opérations et les situations médicales dégradante qu’elle devait subir pendant quatre ans dans les quotidiens. Aujourd’hui Eva va mieux et elle est rédactrice en chef d’un grand journal en ligne hongrois. Elle est considérée comme une example par des millions de femmes hongroises. Sa maladie a changé sa vie, sa vision du monde, mais cela a également eu un impact considérable à l’opinion publique hongroise. Des milliers des femmes sont allée faire des dépistages du cancer de col, certains ont été dépistés et traités en temps grâce à elle avant que la maladie ne s’aggrave pas. Bref, en Hongrie la toile se coule sous les témoignages de femmes qui décrivent avec sincérité et sans tabous leurs conditions féminines.

Pensez-vous qu’en France Eva aurait eu le même soutien populaire et ces livres aurait pu être publié ? Personnellement j’ai des forts doutes. Dans mon pays adoptifs une grande hypocrisie règne concernant tous les sujets liés à la sexualité féminine. J’ai été considérée quasiment comme « une persona non grata » car j’ai osé décrire mon parcours de PMA en détail. Mon parcours dure depuis plus de trois ans : j’ai fait souffrir mon corps une dizaine de fois avec des traitements hormonaux, j’ai perdu mon travail et j‘étais obligée de faire une pause de carrière pendant presque un an à cause de mon PMA. Si je deviens mère un jour, si j’y arrive, probablement je vais avoir les difficultés à cause d’une grossesse tardive. Et je ne suis pas une exception. 70% des femmes qui décident de faire un PMA toute seul en France doivent traverser un long parcours avec les mêmes difficultés.

Pourtant les journalistes préfèrent présenter des femmes qui sont déjà mamans et qui ont un parcours de fertilité réfléchi mais rapidement abouti. J’entends souvent l’argument que je ne peux pas représenter les femmes qui sont mères via la PMA vue que je n’ai pas encore réussi mon propre parcours de fertilité. Cela montre qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour faire évoluer les mentalités. Seules 30% des femmes qui sont dans la tranche d’âge de plus de 38 ans vont réussir facilement et rapidement leurs parcours de fertilité. Et les femmes qui ne deviendront jamais mère à cause des injustices du système actuel? On va les oublier en silence?  Je ne pense pas qu’exprimer les difficultés liées à nos parcours donne des arguments pour les personnes anti-PMA. Au contraire !

Pour moi la question de PMA pour toutes est un sujet sur lequel la France est très arriéré. Ce sujet aurait dû être réglé il y a plusieurs années. La PMA pour toutes est un progrès indispensable. Mais, à mon sens il faut aller plus loin. La PMA pour toutes est bien mais cela n’est pas suffisante pour assurer l’égalité entre les femmes et les hommes. La PMA pour toutes est un sommet symbolique d’un iceberg.

Derrière l’iceberg, il faudrait changer profondément la mentalité d’une société patriarcale dans laquelle les femmes ne s’expriment pas librement à l’heure actuelle sans embellir la réalité concernant leurs défis quotidiens. Les rares fois quand elles s’expriment elles sont dans l’obligation de raconter des histoires politiquement corrects : des histoires dans laquelle elles deviennent Mamans à une âge élevée simplement et rapidement. Les histoires de réussites professionnelles, pour faire croire que nous pouvons tous réussir à nos jours sans soucis : carrière, maternité et vie familiale etc. Cela peut correspondre à la réalité d’une petit élite chanceuse et gâtée par la vie. Néanmoins, rendre compatible famille et carrière reste un combat quotidien pour la majorité des femmes.

Selon mes expériences, en France il est impossible de s’exprimer sincèrement sur ces échecs. Les échecs sont considérés comme des sujets désagréables et tabous. En France la femme ne voudrait pas se présenter dans le rôle d’une victime au risque d’être jugée et incomprise. En conséquence les femmes françaises ne s’expriment pas honnêtement et sans tabou sur leurs situations de femme. Pourtant à nos jours, il existe une souffrance générale féminine étouffée au plus profonde de nous-mêmes. Cette souffrance réclame ces besoins régulièrement, comme par example au moment de mouvement metoo où cette souffrance explosait en plein jour du jour au lendemain. L’infertilité et la PMA est une autre matérialisation de la souffrance féminine. Pensez-vous que les femmes rêvent des leurs plus jeunes âges de faire des enfants à 43-45 ans après 4-5 ans de traitements médicaux qui transforment leurs corps à une usine à gaz ? Et même si elles arrivent enfin à cette grossesse si désirée (car une bonne majorité n’y arriverait jamais) elles vont passer plusieurs mois en arrêts de maladie liés à une grossesse tardive et difficile. Concernant les maternités tardives, nous sommes très loin des rêves et des fantasmes de jeunesse et très loin des caprices aussi. Pensez-vous vraiement, si les femmes avaient la possibilité d’éviter ces maternités tardives, elles choisiraient toujours à faire des enfants de cette manière ? Pensez-vous vraiement aussi que les femmes vivent de leurs pleins grés toutes les discriminations professionnelles liées à la maternité ?

J’accuse. J’accuse la société française d’ôter les femmes de la liberté de vivre leurs maternités ou de leurs non-maternité. Les femmes qui élèvent seules leurs enfants sont souvent sujets de stigmatisation. Les femmes qui choisissent ou subissent de ne pas élever des enfants sont également sujets de stigmatisation.

J’accuse la société française de condamner la femme au silence sur les difficultés concernant la maternité et concernant la fertilité au prétexte de la beauté de la maternité et en culpabilisante les femmes concernant la maternité à une âge avancée « si tu es devenu mère aussi tardivement c’est sans doute car tu te réveillais trop tard et tu ne te préoccupais pas avant de ta vie familiale. »

J’accuse également la société française de condamner les femmes de se taire concernant leurs souffrances liées à leurs intimités féminines et à leurs intimités sexuelles. Toutes les maladies gynécologiques et toutes les maladies sexuellement transmissibles ainsi que leurs impacts sur la vie quotidien des concernées restent aujourd’hui des tabous.

J’accuse toujours la société française, car malgré « le mouvement de metoo », l’agression sexuelle, le viol, la violence conjugal n’est toujours pas exprimée aussi librement qu’il serait souhaitable.

J’accuse également la société française à cause du manque de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans le monde profesionnel. Quand je passe des entretiens embauches professionnels, très souvent je reçois les remarques comme « vous n’êtes pas mariés et vous n’avez pas d’enfants ». J’ai honte quand on me fait comprendre ouvertement que l’un des points positifs de ma candidature que je sois une femme de mon expérience et sans charge d’enfants. Aujourd’hui d’ailleurs cette triste réalité commence à faire partie de mon identité : « une femme sans mari et sans enfants à charge ».

En France les femmes s'expriment peu concernant les sujets de la femme. Pourtant le mouvement metoo a montré à quel point la souffrance des femmes peut devenir puissante et libérer des fantômes de sa boite de Pandore. La souffrance liée à la PMA est une deuxième matérialisation de cette même souffrance. La PMA pour toutes va être une étape dans la liberté féminine. Un début. Dans la suite, il va falloir commencer à s’exprimer. Aujourd’hui les femmes ne peuvent pas et n’osent pas de s’exprimer avec sincérité sur leurs situations et sur leurs problématiques de femmes. En France être victime est considéré comme peu valorisant et humiliant. Il est donc logique que les femmes ne voudraient pas apparaitre ainsi. Il va falloir faire évoluer les mentalités ! Il ne serait pas trop tard de commencer à valoriser le courage des femmes qui osent à se témoigner ouvertement sur les sujets difficiles dans lesquels elles se retrouvent en difficulté ! Et je serais très heureuse aussi de voir émerger une nouvelle génération de femmes écrivaines couronnées par les prix Goncourt qui écrivent sur les sujets concernant les femmes actuelles. 

Bref, en Hongrie les femmes votent depuis 100 ans soit depuis 1918. En France elles votent depuis 1944. 

Liberté, égalité, fraternité! En espérant qu'un jour cela deviendra une réalité. 

Tag(s) : #féminisme, #PMA, #FIV, #maternité solo, #mama solo, #mamasolo, #discrimination, #égalité des chances, #PMAPOURTOUTES, #maman solo, #PMA femme seule, #PMA femme célibataire, #femme célibataire PMA, #femme seule PMA, #égalité homme femme, #grossese, #discrimination femmes, #discrimination PMA, #discrimination au travail, #metoo
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :