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L’histoire d’une famille et le désir d’enfant ou bien ma grand-mère une maman solo dans les années 1950’s

1. Introduction – qu’est-ce que c’est la psychogénéalogie ?

Existe-t-il un système d’équilibre au sein des familles selon lequel tout doit revenir à l’équilibre et les dettes doivent être payé sur plusieurs générations ?

Les psychanalystes penchent sur la généalogie familiale pour expliquer certaines phénomènes depuis plus d’un siècle.

Mais le concept dispose des origines encore plus anciens. Selon la bible, les fils souffriront pendant trois à quatre générations pour les péchés des pères. « Tu ne te prosterneras pas devant [les idoles], et tu ne leur rendras pas de culte ; car moi, l’Éternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui punis la faute des pères sur les fils jusqu’à la troisième et à la quatrième (génération) de ceux qui me haïssent, et qui use de bienveillance jusqu’à mille (générations) envers ceux qui m’aiment et qui gardent mes commandements ». (livre d’Exode)

Il est certain que nous héritons des schémas comportementaux de nos parents qui peuvent se transmettre de façon inconsciente entre générations. Carl Jung a introduit en 1908, le concept de « l’inconsciente collective » selon laquelle une partie de notre inconsciente possède des connaissances et savoirs universelle de l’humanité que l’individu ne pouvait pas expérimenter dans sa propre vie.  Dans les années 1950’s plusieurs psychanalystes essayaient de mettre sur une base scientifique la transmission des « héritages » familiales. Comme par exemple Nicolas Abraham et Maria Torok, deux psychologues d’origines hongrois. Ils s’intéressaient à des « fantômes familiales » alias la transmission des secrets de famille durant plusieurs générations. Selon eux, il existe un système d’équilibrage entre les générations avec la notion de justice, comme valeur principal. Certaines avaient des dettes par rapport aux autres. (Cela n’est pas le hasard, que c’étaient deux psychanalystes d’origine juive-hongroise qu’ils commençaient à s’intéresser au sujet après l’holocauste). Dans la suite c’est Françoise Dolto, le célébrissime pédiatre et psychanalyste française, qui suggérait que les enfants héritaient les troubles et les dettes inconscientes des parents.   

Didier Dumas, un autre psychanalyste français, pensait que certaines maladies de l’enfant (le mutisme, la phobie et l’autisme) sont dues à des fantômes familiales.

Dans les années 1950’s plusieurs psychanalystes ont introduit la notion de la « psychogénéalogie » dans l’analyse du comportement familial. Ivan Boszormenyi Nagy, un autre psychanalyste hongrois, a développé la thérapie familiale et le « concept de loyauté familiale » invisible.

Parmi les psychanalystes français actuel, Serge Tisseron a étudié la transmission des images mentales entre les générations. Il suggère ainsi de tenir compte du passé familiale pour analyser des difficulté actuelle.

Il faut également dire que le concept de psychogénéalogie a été critiqué des nombreuses fois. Ces critiques s’adressent notamment contre certaines pratiques de la constellation familiale (reconstruction de la famille, comme dans une improvisation théâtrale). Car ce concept peut avoir des dérivés sectaires. Un rapport interministériel en 2007 a vue le jour pour appeler à la vigilance et la lutte contre les dérives sectaires et mettre en garde contre la pratique des « faux souvenirs » induits de certains praticiens.

L’histoire d’une famille et le désir d’enfant ou bien ma grand-mère une maman solo dans les années 1950’s

2. Quel importance peut avoir l’analyse de son histoire familiale pour comprendre son désir d’enfants ou les éventuelles causes de son infertilité ?

Dans un domaine aussi intime que le désir d’enfant, l’analyse de son héritage familiale est essentielle. Les comportements et les craintes transmises de générations en générations peuvent mettre en lumière les racines de notre comportement. A ce prétexte, je voudrais vous raconter l’histoire de la famille de mon père et vous montrer comment cette histoire influence – à mon avis – mon désir de fonder une famille en tant que maman solo.

3. Une histoire de famille à travers de quatre générations

Mon père est grandi dans une famille composée de deux femmes. Deux femmes d’origine juive. Sa grand-mère et sa mère. Sa Grand-mère, s’appelait Rozalia Kron et était issue d’une famille bourgeoise de la monarchie austro-hongroise. Les aïeuls vivaient à l’est de la Hongrie et ont fait fortune avec le commerce du vin et en rachetant des terres à des prix bas au moment où les propriétaires de terre hongrois traditionnels sentaient menacés par la phylloxéra. Mon arrière-grand-père Karl Kron avait l’opportunité d’acquérir une grande propriété à la Voïvodine (Serbie) actuelle dans la deuxième moitié du 19ème siècle. Il était un homme d’affaire rusé. Non seulement il était à la tête d’une grande propriété, mais il a fondé également une banque locale et une usine de conserve. Les affaires ont été fleurissant vers les années 1890-1900’s.

Mon arrière-grand-mère était la plus jeune parmi les trois enfants de Karl Kron et c’était la seule fille. Elle fut la préférée de son Papa. Sa mère a décédé quand Rozalia avait 16 ans. Mon arrière-grand-mère a reçu la meilleur éducation : une nurse française et quatre années d’études dans une collège en Allemagne. Elle parlait couramment 8 langues et elle a passé son temps à voyager, lire et à discuter de l’art, de la littérature et la philosophie.

Mon arrière-grand-mère avait la privilège de pouvoir se marier par amour. A l’âge de 20 ans (donc mineur selon l’époque), elle était séduite par un jeune homme budapestois, qui était docteur en pharmacie. Ce jeune homme n’avait pas de fortune ni une famille aussi célèbre que l’arrière-grand-mère. Cela faisait déjà des années que Ernest, c’était le nom de ce prétendant (mon arrière-grand-père) essayait d’ouvrir une pharmacie, mais il lui manquait du fond. Il fallait absolument se marier avec une fille qui avait une dote honorable pour réaliser ces rêves.

Cela va sans dire que la situation de ce jeune homme déplaisait fortement à la grande famille Kron. Dans cette famille, à cette époque, on se mariait selon une « stratégie de dynastie » pour préserver et faire fructifier la fortune selon les suivantes :

  • La première génération (celui de mon arrière-arrière-grand-père) se mariait entre familles juives fortunées locales.
  • La deuxième génération (génération de mon arrière-grand-mère) se mariait avec des membres des familles de la grande bourgeoise fortunée (juive) budapestoise ou viennoise. Ainsi entrait dans la famille Irène Guttmann (alias Irene Auerheimer après son deuxième mariage avec l’écrivain et journaliste autrichien célèbre Raoul Auerheimer) ou bien Livia Jakobi (dont le frère, Victor Jakobi, était un compositeur mondialement connu pour ses opérettes « Sibill » et « la marché du mariage »).
  • La troisième génération (génération de ma grand-mère), s’est marié avec des bourgeois catholiques et par préférence avec des membres des très anciennes familles noble (c’était entre 1930-1950’s).

Dans ce contexte familial, en 1903, il est tout à fait compréhensible que le projet de mariage de mon arrière-grand-mère fût très mal vu par la grande famille. L’arrière-grand-mère disposait d’une dote très important et la famille doutait bien que son fiancé était intéressé par l’argent. Pratiquement toute la famille a essayé de dissuader Rozalia de cette mariage. Sans succès. Elle était la seule fille aimée par son père et ainsi elle a réussi de faire passer sa volonté. Elle était encore mineure en 1903 quand elle s’est mariée avec Ernest.

Le mariage de Rozalie et Ernest était un mariage heureux pour les débuts. Les jeunes ne se manquait de rien. Avec la dote exceptionnelle de Rozalia, Ernest a pu ouvrir une pharmacie à Budapest et ensuite une deuxième. Ils commençaient leurs vies dans un appartement de luxe au boulevard Andrassy (Champs-Elysées de Budapest). Et ils ont eu très rapidement 5 enfants. Tout avait l’air de bien passer...

Mais… Le temps a donné peut-être raison dans certains choses à la famille. Ernest était un très mauvais gestionnaire. La pharmacie connaissait des difficultés économiques. En plus, l’arrière-grand-père a investi beaucoup d’argent à la bourse au moment de la grande dépression. Et il a perdu. Beaucoup. Il a également joué à la carte et à a perdu fréquemment. Beaucoup d’argent aussi.

En parallèle l’histoire a également fait son chemin. La première guerre mondiale a trouvé la famille dans une situation très difficile la famille. La monarchie austro-hongroise s’est éclatée avec le traité de Trianon, et la Hongrie a perdu des territoires importantes : donc Novi-Saad, où les propriétés et les usines de Karl Kron se trouvaient. L’arrière-arrière-grand-père, était obligé de vendre ces propriétés et ces usines à des prix désavantageux pour continuer le reste de ces jours à Budapest…

Vers les années 1930’s la famille d’Ernest et Rozalia est devenu pauvre. Une tragédie est également arrivée dans cette famille. L’un des fils de Ernest et Rozalia a subi un accident en Hollande et a tombé malade à la suite de cela. Il est décédé à l’âge de 7-8 ans dans sa maladie.

Et puis venait les années noires de persécutions des juifs où il ne pouvait même exercer librement leurs métiers. La période de la deuxième guerre mondiale était radicale pour la famille. Parmi les quatre enfants restants du couples une seule a survécu les horreurs de la deuxième guerre mondiale. Ils ont eu la chance de ne pas être déportés. Les deux frères et la sœur de ma grand-mère sont tous décédés en maladie autours de leurs 30èmes anniversaires célibataires et sans enfants. En maladie à cause des conditions de vie déplorables avant et pendant la guerre (liées à la crainte, à des persécutions, à la pauvresse et à la famine).

La seule enfant survivante dans cette famille après la deuxième guerre mondiale était ma grand-mère. Elle approchait déjà la quarantaine et elle était célibataire. Mais elle a décidé qu’après tous les souffrances de sa famille, la vie doit crier victoire.

Ma grand-mère se mariait rapidement après la guerre avec quasiment le premier homme sous le bras. Son objectif à elle était d’avoir un enfant. Mon grand-père était un homme bien plus jeune qu’elle. C’était un homme qui portait un beau nom et était issue d’une famille très ancienne de la noblesse. (C’était la mode dans la grande famille. Les cousines de ma grand-mère côté Kron étaient mariés avec des nobles aussi.) Ce mariage était de très courte durée. Ma grand-mère au début des années 1950’s à l’âge de 41 ans a donné naissance à un petit garçon : mon père. Ce petit garçon recevait deux prénoms : les prénoms des deux frères décédés pendant la guerre de sa mère. Ainsi il est devenu l’héréditaire d’une histoire familiale lourde.

Les deux femmes Rozalia Kron, mon arrière-grand-mère et Blanka, ma grand-mère, ont élevé le petit garçon dans des conditions extrêmement modestes mais avec un amour inconditionnel dans un petit appartement de Buda...L’ex-mari de Blanka ne payait jamais les pensions alimentaires. Ainsi Blanka était en procès éternel avec le père de son fils. Et la grande famille soutenait les deux femmes qui recevaient régulièrement des paquets de cadeaux et des vêtements venus de l’outre-mer ou la moitié de la grande famille vivaient.

Telle est l’histoire de mon père. Une histoire qui ressemble étrangement à celle de Roman Garry, à l’exception, que mon père est né après la deuxième guerre mondiale.

24 ans après la naissance de mon père, quand je suis venu au monde, l’arrière-grand-mère, Rozalia Kron n’était plus là. Elle attendait en silence avant s’éteindre que mon père passe son baccalauréat. Je connaissais ma grand-mère, Blanka, qui voulait que j’hérite le prénom de sa sœur décédé pendant la deuxième guerre mondiale. Finalement, j’ai reçu un prénom différent.

4. L’héritage de cette histoire sur le désir d’enfant

L’influence de cette histoire est inéluctable sur mon destin. J’ai presque hérité le prénom d’une grand-tante décédé pendant la deuxième guerre mondiale. Je voulais toujours avoir des enfants et toujours avoir une famille nombreuse. Dans l’inconsciente, sans doute, je voulais reconstruire la famille nombreuses de mon arrière-grand-mère. Je ressens également une grande nostalgie pour la généalogie et pour le concept de la grande famille. La grande famille de mon arrière-grand-mère avec des liens très fortes de l’entraide et de solidarité (et bien évidemment des intérêts économiques aussi).

Je pense que l’histoire de ma grand-mère qui a mis au monde mon père à 41 ans et qui l’a élevé comme une maman solo m’a toujours encouragé également. Oui, le concept de la maternité solo existait déjà belle et bien à cette époque, c’était juste la méthode de la conception qui était différent.

Finalement, je me sens extrêmement déçue et je souffre chaque jour de ne pas pouvoir devenir mère à mon tour. C’est injuste. Ma famille a survécu tellement de chose : l’extrême richesse et l’extrême pauvreté, l’horreur de la montée de nazisme. Dans les années suivantes la deuxième guerre mondiale, Rozalia et Ernest étaient tellement pauvres, que Ernest (âgé plus de 70 ans à l’époque) était obligé de sauter devant les voitures pour réclamer de l’argent des chauffeurs qui l’ont failli écraser. Une fois une voiture n’arrivait pas de se freiner à temps. Ainsi que Ernest est décédé… Et malgré toutes ces difficultés dont ma famille était victime, ma grand-mère a réussi de mettre au monde mon père à 41 ans pour l’élever en tant que maman solo.

Aujourd’hui, nous vivons dans un monde démocratique et civilisé. Malgré mon fort désir pour devenir maman solo, après plusieurs années de démarche de PMA en Espagne et après avoir dépensé 27.000 € je ne suis toujours pas Mamans. Pour quel raison suis-je condamné à ne pas avoir un enfant ? C’est la question que je pose tous les jours. Et la seule réponse que je trouve à cet interrogations, ce sont des raisons purement politique. Car la France, après plusieurs années des débats et d’hésitations, n’a toujours pas réussi d’adopter une loi pour donner le droit à TOUTES les femmes sans exception pour devenir mère. Qu’attendez-vous ? Pour moi, comme mon histoire le témoigne, la vie doit toujours triompher sur la mort et sur la souffrance. Je ne vois pas comment et pourquoi en donnant la vie on pourrait commettre une quelconque acte « mauvaise » dans le sens éthique. NON, donner la vie et assurer la survie de sa famille est TOUJOURS légitime.

Je vais avoir 43 ans cet été, dans moins de six mois. Même si la loi concernant la « PMA pour toutes » sera adoptée en France d’ici dans quelques mois, je ne pourrais pas y bénéficier pour faire une PMA en France. Je trouve cette situation très injuste : en tant que femme, en tant que citoyenne et en tant que descendante de famille survivante de la Shoah. Je trouve que cette société possède encore des dettes par rapport à ma famille.

Je remercie à Dr. Erno Cseko, l'historien chercheur, responsable des archives nationales de la Hongrie pour le département de Heves pour ces différentes recherches et publications sur ma grande famille, sur lesquels je me suis appuyé pour écrire cet article. Pour ne citer que les plus importantes. 

Csekő Ernő

Pályatöredékek a századfordulóról: Leopold Samu és Guttmann Irén (Lys-Noir): Adalékok a neológ zsidóság műveltségéhez

MÚLT ÉS JÖVŐ 2: pp. 69-91. (2011)

link:

https://www.academia.edu/31297174/P%C3%81LYAT%C3%96RED%C3%89KEK_A_SZ%C3%81ZADFORDUL%C3%93R%C3%93L_LEOPOLD_SAMU_%C3%89S_GUTTMANN_IR%C3%89N_LYS-NOIR_._Adal%C3%A9kok_a_neol%C3%B3g_zsid%C3%B3s%C3%A1g_m%C5%B1velts%C3%A9g%C3%A9hez._In_M%C3%BAlt_%C3%A9s_J%C3%B6v%C5%91_2011_2._69-91

Csekő Ernő

A nagybérletek családi rendszerének kiépülése a szekszárdi Leopold família esetében (1861-1920)

BARANYAI TÖRTÉNELMI KÖZLEMÉNYEK: A BARANYA MEGYEI LEVÉLTÁR ÉVKÖNYVE 5: pp. 267-335. (2013)

link:

https://library.hungaricana.hu/hu/view/BARM_tk_5/?pg=268&layout=s

Csekő Ernő

Ifj. Leopold Lajos élete Szekszárdon

WOSINSKY MÓR MÚZEUM ÉVKÖNYVE 29: pp. 413-498. (2007)

link:

https://www.academia.edu/37208913/IFJ._LEOPOLD_LAJOS_%C3%89LETE_SZEKSZ%C3%81RDON._In_Wosinsky_M%C3%B3r_M%C3%BAzeum_%C3%89vk%C3%B6nyve_XXIX._Szeksz%C3%A1rd_2007._413-498

Csekő Ernő

A szekszárdi Leopoldok.: Pillanatfelvétel egy saját hagyatékkal nem rendelkező család kutatásának állásáról.

SZABOLCS-SZATMÁR-BEREGI LEVÉLTÁRI ÉVKÖNYV 17: pp. 449-466. (2006)

link:

https://www.academia.edu/31296231/A_SZEKSZ%C3%81RDI_LEOPOLDOK._Pillanatfelv%C3%A9tel_egy_saj%C3%A1t_hagyat%C3%A9kkal_nem_rendelkez%C5%91_csal%C3%A1d_kutat%C3%A1s%C3%A1nak_%C3%A1ll%C3%A1s%C3%A1r%C3%B3l._In_Szabolcs-Szatm%C3%A1r-Beregi_Lev%C3%A9lt%C3%A1ri_%C3%89vk%C3%B6nyv_17._449-466._2006_

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